Dans le Paris du XVIIème siècle où la théorie humaniste de la peinture, basée sur le concept d’Ut pictura poesis, occupe le courant dominant, les curieux, en collectionnant des œuvres d’art, commencent à jeter un regard attentionné aux matières de la peinture. Ce regard ou cette curiosité fera découvrir la valeur de l’expression picturale créée par l’effet visuel du coloris ou de la touche, et encouragera les critiques d’art à rendre la peinture bien distincte des autres arts, bien qu’elle demeure toujours dans un cadre traditionnel. Ce mémoire a pour but de constater ce processus. Tout en avançant ma théorie en me basant sur les recherches précédentes, je mettrai un accent particulier sur la touche, un des facteurs décisifs pour apprécier une peinture en rapport avec la distance qui sépare l’observateur de l’œuvre. Je démontrerai que, plus que le contenu spirituel représenté sur la toile, les curieux étaient intéressés par l’aspect visuel de la surface de la peinture, autrement dit, par les traces de la main de l’artiste. L’analyse de leur propre collection d’art par eux-mêmes, les divers témoignages de l’époque sur eux, les affaires d’évaluation d'art nous révèleront ce fait. Je démontrerai enfin que l’intérêt des curieux pour les surfaces picturales a eu une influence non moins négligeable sur la construction de la théorie de Roger de Piles, polémiste parmi les coloristes lors de la «Querelle du coloris» qui a eu lieu à l’Académie royale de peinture et de sculpture dans la seconde moitié du XVIIème siècle.
Mots-clés : collection d’art, curieux, XVIIème siècle, touche, Roger de Piles